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Par obole lu par un poète
C’est en poète que Stéphane Korvin rend compte du premier recueil de cette poète qui, à trente ans, a reçu le prix de poésie de la Vocation 2011.
Libr-critique, CNL 24/05/2012. Ce texte a d'abord été publié en mars 2012 dans le numéro 8 de la revue A verse.
Je reprends le livre, l’obole bleu-nuit, son trait sanguine, ses plans de chair, pieds nus sur la grenaille
Le long des pages, une rose s’effondre, une rose filmée au ralenti avec les inserts d’une ville
machinée, une ville qui encage, aussi une chambre et tous les paysages heurtés qui scellent l’homme
et la femmeIl n’y a pas d’instants carrés – mais toute l’étendue du lien et de la rupture dans un mouvement de
valve, une respiration haletée– éclore est épuisant
une rose tranchante chute sans fin
une rose photosensible, griserencontrée nue sur un terre-plein oxydé
une mare
Plusieurs fois elle est foulée
fouillée
sans désir
ainsi sauvagement s’éternise la guerre dans l’intimité des paumesDes hommes broient
Une femme cisèle ses mots
isole la peine invente la masse la plus ténue
possible remède
à l’oubli, un alliage
un rêve encorene dit-on pas user
la corde
la voix, un filetune mécanique irréprochable prête à se rompre de peur
et qui ne rompt jamais
faisant l’expérience de sa granularité
son grain inaliénable
son humanitéC’est très délicat d’imaginer
l’écriture en train de se faire
penser la matière d’une poétique
réalisant sur le champ
dès les premières lignes, la fusion attendueCe doit être terrible de toucher à sa fin
étant un début« sous la pluie pourrait tenir lieu de préambule
si l’on ajoute, presque aussitôt,
le détail d’une auto tamponneuse »auto tamponneuse
sans tiret
Un écart, un accident (frôler la mort ; tenant lieu de préambule)Le livre étire
un trait
le plus fin qui soit, un filon
nommé
« presque aussitôt » invisibleL’effort de la voix pour le nommer
l’écrire, l’entourer
l’environnerle faire exister
« Sanguines »
Il y a là l’exercice de vivre sous la pluie
dans le saccage
la friche
avec le jeu des bouches
et des reins, des riens qui mordent
jusqu’au sang
avec le vaste remaniement du corps
la peau qui pèle
la difficulté d’être à soi et comment l’autre
toujours
finit par nous arracher la fine pellicule
des os
pour aller danser sur le dos des mortsune ligne brisée dessine un vase clos
Je reprends le livre de Blandine Merle, je dépasse rarement la plus première partie « sanguines »
faire face, tourner court
J’y reviens sans cesse, je n’en fais pas le tour
abasourdi par la distribution circulaire des éléments du poèmeIci est un cercle
il décale son centre sans arrêt, un film
sans cesse dédale son centre
en continuJe reprends le livre et je cherche un vers
mon centre mon pivot mes jambes
un souffle à regarder
et qui me regarde
comme une manie de superstitieux pour
joindre les extrémités et toucher un bordmoi aussi je crains que
perdu un jour plus
rien n’affleure en périphériesimplement parce que
perpétuellement la peau
est attaquée au couteau& il pleut sur cette lame
plus tard, plus loin
je retrouve la voix que je cherchais
la voix découpée dans le velours
et qui rassure sur nos chances
à communiquer encore« cela devient très loin
d’atteindre au centre »– Oui cela devient très loin. Tu
envisageais de toucher, toucher
un corps, être tenue. Tu parlais d’
un centre ?